ÉCHANGES PLASMATIQUES

 

DÉFINITION
 
PRINCIPES
 
INDICATIONS
 
CONTRE-INDICATIONS, EFFETS INDESIRABLES
 
SI VOUS VOULEZ EN SAVOIR PLUS...
FAQ PATIENTS

 


DÉFINITION

Procédé d'aphérèse ( = séparation des constituants du sang ) consistant en l'extraction du plasma sanguin :
- soit en petit volume (600 ml max : plasmaphérèse encore utilisée pour le don de plasma).
- soit en volume plus important ( 2 à 5 litres ): échange plasmatique avec compensation volémique par des produits de substitution, utilisé en thérapeutique.

1. PRINCIPES

1.1. Aspects Techniques

- circuit extracorporel (CEC)

Il est formé par un kit stérile, non pyrogène à usage unique, d'un volume extra-corporel entre 250 et 500 cc. Cela suppose une préparation au départ du circuit (rinçage, purge au sérum physiologique), un temps d'amorçage en début de procédure et de restitution en fin de procédure

- séparation plasma / cellules : 2 principes mais 3 procédés

. par centrifugation à flux discontinu : bol de centrifugation avec cycles aller/retour successifs
. par centrifugation à flux continu : anneau de centrifugation alimenté et vidé en permanence
. par filtration : module séparateur avec une membrane poreuse

- voies d'abord veineuses :

deux voies sont indispensables (ligne aller dite "artère" dans le sens patient-> machine et ligne retour dite "veine" dans le sens machine->patient) sauf en centrifugation à flux discontinu où une voie unique peut desservir les cycles d'extraction et de restitution de façon alternée
La filtration nécessite 2 voies et de plus gros débits

- anticoagulation :

solutions citratées (ACD) ou héparine

- automation sécurité:

Les premiers séparateurs de cellules étaient "manuels" ; préparation, choix des paramètres et balance extraction/remplacement
Actuellement, des modules de commande à microprocesseurs assistent l'opérateur durant ces procédures.
Des capteurs de pression et de contrôle de pompes, des détecteurs d'air assurent la sécurité du système.

- traitement du plasma (facultatif):

le plasma extrait est traité (épuration sélective) et les "bonnes molécules" du patient sont ainsi récupérées.
un circuit secondaire alimente un module qui peut être :
. un plasmafiltre retenant les protéines de "Haut Poids Moléculaire (impliquées dans les maladies et épargnant jusqu'à 70 % de l'albumine du patient : "filtration en cascade"
. une résine cationique qui absorbe les sels biliaires
( indiquée dans les cholestases ).
. une colonne de Protéine A : retient certaines IgG
. une colonne d'immuno-absorption anti-apoB : épure les VLDL, LDL des hypercholestérolémies
 
D'autres procédures sont plus expérimentales ( cryoprécipitation, électrophorèse, immuno-adsorption)

1.2. Produits substitutifs

Ce sont les solutés de remplacement du plasma, ils doivent avoir :
- un pouvoir d'expansion volémique soutenue
- une action non délétère sur l'hémostase
- une sécurité infectieuse
- un prix raisonnable.
On préfère les colloïdes : Gélatines modifiées, hydroxyéthylamidon) en quantité limitée ( 20 ml/kg) + le complément en albumine à 4%. Le plasma frais congelé n'a d'indication qu'en cas de troubles majeurs de l'hémostase et dans les microangiopathies thrombotiques.

1.3. Mode d'action

- effets immédiats :

. épuration de substances nocives circulantes (toxiques liés aux protéines, immunoglobulines monoclonales, complexes immuns circulants)
. amélioration des constantes rhéologiques vasculaires (effet intéressant pour les vascularites et troubles de la microcirculation )
- effets à moyen terme :
les EP désaturent le système des phagocytes mononucléés dans les maladies dysimmunitaires, ce qui augmente la clearance des immunoglobulines et des complexes immuns circulants,
En épurant les anticorps les EP pourraient sensibiliser leurs cellules productrices à l'action des immunosuppresseurs (cas de certaines maladies auto-immunes à auto-anticorps )
- effets à long terme (peu connus) :
immuno-modulation
 
Au total, les EP sont épurateurs de protéines ou de substances liées aux protéines et ont un effet immunosuppresseur rapide. Ils ne s'appliquent donc qu'aux maladies où l'on cherche à éliminer des produits de gros poids moléculaire ou à supprimer rapidement l'immunité (souvent associé à des drogues immunosuppressives)

1.4. quelle quantité plasmatique à échanger, à quelle fréquence ?

Ce schéma représente la concentration obtenue d'une substance plasmatique (C) après traitement d'un volume V plasmatique donné, la relation est exponentielle. A partir d'une masse plasmatique (MP), plus de la moitié de la substance est déjà épurée, au delà le volume à échanger croit rapidement pour un faible gain. Les moniteurs d'hémaphérèse ont fixé un "compromis" à 1,3 MP qui épure une substance à 72%.

En fait les substances immunologiquement actives visées par les EP ont des taux de distribution intra/extravasculaire différent, des caractéristiques de synthèse et des temps de catabolisme différents. Après EP, la concentration d'une substance à répartition intra/extravasculaire avec synthèse continue prend l'allure suivante :

 

En fonction des substances à épurer (taux de synthèse, répartition vasculaire, effet voulu) on augmente ou diminue le rythme des séances plutôt que de modifier les volumes, par exemple :

- les IgM sont essentiellement intravasculaire à demi-vie courte ( 5 jours ) : séances espacées.
- Les IgG ont une répartition mixte, une demi-vie longue ( 22 jours ) nécessiteront des séances plus rapprochées
- Les Complexes Immmuns Circulants (CIC ) sont très variables mais la répétition des EP augmente leur clairance ( action sur les macrophages )
- Auto-Ac : en cette situation d'Ag toujours présent (réponse secondaire), les EP provoquent un rebond de synthèse obligeant à intensifier ce traitement en association avec des immunosuppresseurs pouvant sensibiliser les clones auto-réactifs .

Médiateurs de l'inflammation dont cytokines: action bénéfique des EP mais très transitoire, d'où la nécessité de rapprocher les séances et d'y associer des anti-inflammatoires stéroïdiens.


2. INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES

Les indications de cette technique onéreuse sont de plus en plus restreintes et toujours soumises à discussion.

Il faut distinguer :

Groupe A : les EP en traitement de première intention (A1) ou en échec d'autres traitements (A2) confortés par des études contrôlées (A1a, A2a) ou ouvertes multiples consensuelles(A1b, A2b)

Groupe B : les EP continuent à être discutés au cas par cas ou font encore l'objet de protocoles.

2.1. Groupe A

- formes graves des microangiopathies thrombotiques (maladie de Moscovitz, purpura thombotique thrombopénique) (A1a)
- neurolupus (± vascularites cérébrales)(A1b)
- syndrome d'hyperviscosité des gammapathies monoclonales dans leur formes neurologique et/ou hémorragique (A1b)
- hypercholestérolémie type IIa homozygote (A1b)
- épuration d'anticorps cytotoxiques en prétransplantation (A1b)
- cryoglobulinémies (atteinte neurologique ou rénale) (A1b)
- maladie de Refsum (A1b)

- polyradiculonévrite aiguë de Guillain Barré (A2a)

- polyradiculonévrites chroniques (A2a)
- neuropathie à IgA ou IgG monoclonale (A2a)
- Insuffisance rénale du myélome (A2a)
- néphropathie à IgA (A2b)
- anticoagulants circulants (A2b)
- cholestases rebelles (A2b)
- syndrome de Goodpasture (A2b)
- myasthénie grave ou syndrome de Lambert Eaton (A2b)
- purpura thrombopénique aigu post-transfusionnel (A2b)

2.2. Groupe B

- neuropathie à IgM monoclonale
- sclérose en plaques
- Maladies de système : périartérite noueuse (PAN) associée à l'hépatite B, vascularites nécrotiques, dermato/polymyosite, purpura rhumatoïde avec atteinte polyviscérale,..
- Maladies auto-immunes : purpura thrombopénique, anémie hémolytique à agglutinines froides, uvéites, syndrome des antiphospholipides...
- Maladies métaboliques : hypercholestérolémie hétérozygote sévère, thyréotoxicose...
- Intoxications (phalloïdine, digitaline, botulisme)


3. CONTRE-INDICATIONS

3.1. Liées à la CEC et à l'anticoagulation

- état hémodynamique précaire (chocs surtout cardiogéniques)
- angor instable
- épanchement péricardique (héparine)

3.2. Liées à l'immunosuppression

- infections non contrôlées (septicémies)

4. COMPLICATIONS

4.1. Immédiates :

* Liées à la CEC et l'anticoagulation :

- syndrome vagal, chute ou élévation tensionnnelle.
- accidents de ponction, embolie gazeuse.
- syndromes hémorragiques, allergie ou thrombopénie à l'héparine,
- syndrome céphalées-crampes-paresthésies-tétanie voire troubles du rythme par hypocalcémie due aux citrates.

* Liées à la substitution :

- frissons-hyperthermie
- nausées-vomissements, diarrhée (albumine)

4.2. Différées :

* Troubles de l'hémostase :

- hypocoagubilité 8-12 heures après la séance
- hypercoagublité à 24-72 heures par effet rebond (retard dans la synthèse d'AT3)
-> RISQUE DE THROMBOSE élevé surtout si facteurs associés (syndrome inflammatoire, alitement)

Une héparinothérapie à visée isocoagulante est la règle chez les patients alités ou avec des affections à risque.

* Immunosuppression :

En particulier vis-à-vis des infections bactériennes (déficit humoral)

* Risque infectieux post-transfusionnel :

N'a plus été décrit depuis l'emploi exclusif de produits chauffés viro-inactivés (Albumine) ou artificiels.


SI VOUS VOULEZ EN SAVOIR EN PLUS:

Généraux

Coagulation Disorders with plasma exchange.
Simon L. et al.,
Plasma Ther Transfus Technol 1982; 3: 147-152

Immunological effects of plasmapheresis synchronized with pulse cyclophosphamide.

Dau P. et al.,
J Rheumatol. 1991; 18: 270-276
 
Reticuloendothelial system Fc receptor function and plasmapheresis in systemic lupus erythematosus.
Hamburger M. et al.,
Artif. Org. 1981; 5: 264-268

Role of replacement fluids in the immediate complications of plasma exchange

Korach J.M. et al.,
Intensive Care med 1998; 24: 452-458

hématologie

Hyperviscosity syndrome in paraproteinemeia managed by plasma exchange; monitored by serum tests.
Beck J.R. et al.,
Transfusion 1982; 22(1): 51-54

Comparison of plasma exchange with plasma infusions in the treatment of thrombotic thrombocytopenic purpura

Rock A. et al.,
N. Engl. J. Med. 1991; 325: 393-397
 
Accelerated recovery from immune-mediated thrombocytopenia with plasmapheresis.
Porter CG et al.,
Am. J. Med. 1985; 79: 765-76

néphrologie

Controlled plasma exchange trial in acute renal failure due to multiple myeloma.
Zucchelli et al.,
Kidney Internat. 1988; 33: 1175-1180
 
Treatment of renal failure associated with multiple myeloma.
Johnson W. et al.,
Arch. Intern. Med. 1990; 150: 863-869
 
Successful removal and prevention of resynthesis of anti-HLA antibody.
Taube D.H. et al.,
Transplant. 1984; 37: 254-255
 
Plasma exchange in severe gastro-intestinal and renal forms of Henoch Schönlein purpura and primary IgA nephropathy. Review of the literature and results of a french retrospective study.
Alcalay D. et al.,
Plasma Ther Transfus Technol 1987; 8: 147-160
 
Retrospective study of plasma exchange in patients with idiopathic rapidly progressive glomerulonephritis and vasculitis.
Gianviti A. et al.,
Arch Dis Child 1996; 75: 186-190
 
A controlled trial of plasmapheresis therapy in severe lupus nephritis.
Lewis E. et al.,
N. Engl. J. Med. 1992; 326: 1373-1379

neurologie

Plasma exchange in chronic inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy.
Dyck P.J. et al.,
N. Engl. J. Med. 1986; 314: 461-465
 
Plasma exchange and chlorambucil in polyneuropathy associated with monoclonal IgM gammopathy.
Oksenhendler E. et al.,
J Neurol Neurosurg Psychiatry 1995; 59(3): 243-247
 
Plasma exchange in polyneuropathy associated with monoclonal gammapathy of undetermined significance
Dyck P.J. et al.,
N. Engl. J. Med. 1991; 325: 1482-1486
 
Meta-analysis of clinical studies of the efficacy of plasma exchange in the treatment of chronic progressive multiple sclerosis.
Vamvakas E. et al.,
J Clin Apheresis 1995; 10(4):163-170
 
Randomised trial of plasma exchange, intravenous immunoglobulin and combined treatments in Guillain-Barré syndrome.
Plasma Exchange/Sandoglobulin Guillain-Barré Syndrome Trial Group.
Lancet 1997; 349: 225-230
 
Clinical trial of plasma exchange and high-dose intravenous immunoglobulin in myasthenia gravis.
Gajdos P. et al.,
Ann Neurol 1997; 41(6): 789-796

médecine interne

Lack of superiority of steroids plus plasma exchange to steroids alone in the treatment of polyarteritis nodosa and Churg Strauss syndrome.
Guillevin L. et al.,
Arthritis and Rheum. 1992; 35: 208-214
 
Corticosteroids plus pulse cyclophosphamide and plasma exchanges versus corticosteroids plus pulse cyclophosphamide alone in the treatment of polyarteritis nodosa and Churg-Strauss syndrome patients with factors predicting poor prognosis.
Guillevin L. et al.,
Arthritis and Rheum. 1995; 38:1638-1645
 
Long term application of three types of sorbents for LDL apheresis.
Kukharchuk V. et al.,
Plasma Ther Transfus Technol 1988; 9: 45-47
 
Guidelines for the management of essential mixed cryoglobulinemia.
Tavoni A. et al.,
Clin Exp Rheumatol 1995; 13 Suppl 13(): 191-195
 
Hemapheresis in systemic lupus erythematosus.
Rifle G. et al.,
Clin. Exp. Rheumatol. 1990; 8 Supp(5): 51-55
 
 

PATIENTS
Vous êtes un(e) patient(e) et devez bénéficier d'échanges plasmatiques, vous vous posez les questions suivantes...

Q - On va m'épurer mon sang... mes reins sont-ils malades ? pour combien de temps ? A quelle fréquence?

R - C'est la DIALYSE qui traite les patients dont la fonction rénale est altérée parfois définitivement, nécessitant un tel traitement 3 fois par semaine à vie. La dialyse épure l'eau et les petites molécules (urée,..).
Les ECHANGES PLASMATIQUES épurent le plasma, ne modifient pratiquement pas les cellules du sang et le milieu hydro-électrolytique. Sauf au cas où l'on vous traite pour une hypercholestérolémie grave, ce traitement est TEMPORAIRE de quelques jours à quelques mois avec parfois qu'une séance par semaine.

 

Q - Comment se passe une séance ? Suis-je hospitalisé(e) ? Ai-je besoin d'un cathéter ? Est-ce douloureux?

R - Si votre maladie le permet, les échanges plasmatiques seront faits en ambulatoire (hospitalisation de jour).
Si les veines de vos bras sont en bon état, l'infirmière vous piquera 2 veines (1 pour prélever, 1 pour rendre) avec une aiguille semblable à celle pour le don du sang. Dans le cas contraire, un cathéter est placé en voie centrale par un médecin sous anesthésie locale.
Ce sont les seuls aspects douloureux, pour le reste de la procédure, le seul désagrément pour vous sera de rester les bras immobilisés durant 2 à 3 heures.
Après la séance vous vous lèverez progressivement, pourrez déjeuner et rentrer chez vous, vous risquez d'être fatigué le jour des séances.

 

Q - Quels sont les effets secondaires d'un tel traitement pendant les séances et après, on m'a parlé de produits plasmatiques : sont-ils sûrs? mon immunité sera diminuée, que risqué-je?
R - les échanges plasmatiques sont très bien tolérés (3 à 8 % de complications mineures), la réaction la plus fréquente est la sensation de froid, de frissons, les autres réactions sont sans gravité et cèdent rapidement avec les mesures adéquates.
Votre plasma est remplacé par des substituts artificiels et de l'albumine plasmatique humaine. Cette dernière est un produit chauffé, utilisée depuis presque 20 ans et n'a jamais transmis aucune maladie infectieuse. De même, toute la tubulure utilisée pendant la procédure est stérile, jetable à usage unique.
Ce traitement épurera transitoirement vos anticorps et vous serez plus sensible aux infections, c'est vrai, c'est d'ailleurs souvent l'effet recherché du traitement. Dans ce cas, vous recevrez aussi des traitements médicamenteux immuno-suppresseurs qui renforceront cet effet. En cas de fièvre, de toux persistante, de troubles digestifs, signalez-le rapidement à votre médecin.

Q - Je dois me rendre à ma première séance, que dois-je signaler au médecin ? Que dois-je prévoir ? Puis-je travailler?

R - Informez bien le médecin de vos antécédents médicaux en particulier cardio-vasculaires ou de thromboses, et vos allergies (à l'héparine par exemple), de vos traitements concomittents. Si vous avez des symptômes infectieux en cours, signalez-le. De même si vous êtes angoissé, le médecin vous prémédiquera.
Inutile de venir à jeun strict, un petit déjeuner léger est même recommandé. Si vous avez un traitement pour la tension ou le coeur, prenez-le comme d'habitude.Pour une première séance, prévoyez que votre retour à domicile soit accompagné et la journée pour vous reposer. Si les séances sont bien tolérées et assez espacées, vous pourrez poursuivre votre activité professionnelle.